je suis comme un livre : la plupart n'ont vu que la couverture, peut-être le résumé ou même la critique. mais aucun ne connait mon histoire. Le regard rivé sur l’écran de ton téléphone portable, tu ris aux commentaires de ta sœur, qui se fait une joie que tu rentre enfin à la maison, après ces deux années passées loin de Londres. Toi aussi tu es heureux de remettre les pieds chez toi. La vie en Espagne était géniale, tu as appris tellement de choses, tu t’es amélioré dans la langue et on peut dire aujourd’hui que tu es capable de tenir des conversations entières en espagnol, mais il faut bien admettre que ton chez toi te manquait beaucoup et que tu as souvent eu le mal du pays. Tu n’avais jamais été séparé de ta famille avant ce départ, mais cela t’a fait du bien. Tu as eu de belles opportunités à Madrid et tu as fais de belles rencontres là-bas.
T’es dans cet aéroport depuis une vingtaine de minutes, tu attends sagement le moment où tu vas embarquer dans ton avion pour Londres, et ça te pousse à une petite mise au point avec toi-même et avec tes souvenirs.
Tu es né à Londres, deux petites années après ta sœur ainée, et tu as été le petit garçon le plus aimé du monde par tes parents et cette grande sœur si attentionné. Même si vous ne vivez pas dans la richesse, tu n’as jamais manqué de rien parce que tes parents faisaient tout pour que vous ayez tout ce dont vous aviez besoin. C’est vrai que vous n’aviez pas les derniers vêtements à la mode, mais tu t’en fichais. Tu n’avais pas besoin de ça. Tu n’avais pas besoin de ces choses matérielles parce que tu avais l’amour de ta famille et ça, ça valait bien des vêtements hors de prix.
Mais tout changea à la mort de ton père. Ce fut brutal, personne ne s’y attendait, personne ne s’y était préparé. La maladie s’était déclarée tellement tard, trop tard, beaucoup trop tard pour que les médecins puissent le sauver. Il perdit la vie l’année de tes treize ans et cette perte te marqua beaucoup. Tu n’avais plus envie de rien à cette époque et tu passais ton temps à faire de la danse hip-hop, c’est la seule chose qui te faisait du bien et t’aidait à ne pas sombrer. Évidemment, tu aidais aussi ta mère et ta sœur, mais ce n’était pas facile. Tu étais devenu l’homme de la maison, mais cette responsabilité te semblait si lourde à porter.
Tu as eu des périodes difficiles après cela. À l’école, on te faisait du mal parce que tu étais différent. C’est vrai que t’es pas blanc et tu ne le sera jamais, mais tu étais entouré de racistes. Tu en as souffert. Ça t’a conduit à te rendre malade toi-même. Tu t’es mis en tête que tu n’étais pas beau, que tu étais difforme et tu ne supportais même plus ton propre reflet. Il a fallu que tu vois un psychiatre pour t’en sortir. Il t’a fallu tellement de temps et d’énergie, mais tu en es sorti plus fort.
Mais c’est il y a deux ans, quand t’as eu la chance de partir pour l’Espagne pour un échange que t’as vécu les meilleures années de ta vie. Tu as rencontré là-bas ta meilleure amie et tu as eu une belle histoire d’amour aussi. Une histoire qui a duré presque deux ans, mais qui s’est terminé parce qu’elle aussi, elle devait rentrer chez elle. Elle faisait un échange aussi et l’amour à distance, ce n’était pas tellement votre truc. Tu en as un peu souffert, mais tu t’en es remis parce que la vie ne fait que commencer. Tu sais que tu as encore de belles années devant toi, que t’as toute la vie pour être heureux et réaliser chacun de tes rêves. Tu as déjà tourné dans quelques clips, tu te fais un petit nom dans le monde de la danse et ça, c’est déjà un rêve qui se concrétise. Tu as hâte de voir ce que la vie te réserve.
Et t’as encore plus hâte que cet avion décolle et te ramène chez toi. Auprès des tiens. Et il faut bien l’admettre, tu n’as plus l’intention de partir. Plus aussi longtemps, du moins.
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