MADE BY LIGHTLESS.TCHI

La tête baissée, David avait poussé lourdement la porte ; ses pensées étaient accaparées par la lettre qu’il avait reçu la veille. Seuls quelques mots avaient été écrit, nonchalamment, sur un papier déchiré. « Ta fille arrivera demain soir, tâche d’être chez toi. ». Il se souvenait parfaitement de l’auteur de ses mots, il s’en souvenait que trop, elle avait partagé sa vie pendant quelques mois, une relation destructrice. La jeune femme prenait goût à le tromper sans relâche. Un jour alors qu’il revenait du travail, il avait trouvé une enveloppe, semblable à celle qui tenait dans ses mains. Celle-ci était plus développée, mais peuplée d’insultes, la femme avait pris le soin de lui annoncer une paternité prochaine et ses multiples amants. Après de longues semaines de dépression, il s’était convaincu que la femme était atteinte de troubles mentaux et que la grossesse n’était qu’une pure invention qui n’avait pour unique but que de le culpabiliser. Mais quatre mois après, il l’avait entre les mains, cette lettre, cette lettre qui lui prouvait la présence de son enfant pouvant arriver d’une minute à l’autre. Alors qu’il pénètre dans son appartement une sonnerie retenti dans la petite pièce, affolé, le coeur battant, le jeune David se précipite à la porte. Elle était là, sous ses yeux, le regard vide. Elle avait bu, il en était sûr, dans ses bras, à moitié dans le vide, un bébé somnolant surement ballotté pendant un trop long moment. Sans rien dire, elle lui tend l’enfant violemment. Accompagné de cris d’enfant, Dave la fixe et demande une explication, ce n’est qu’une fois certaine que l’enfant ne va pas tomber qu’elle souffle en se retournant. « C’était toi ou orphelinat ». Il descend son regard sur la petite enfant dans ses bras se promettant de lui offrir une meilleure vie que ses premiers jours. L’enfant se retrouvait désormais seule avec un père dans une situation précaire et orpheline d’une mère déséquilibrée.
Du haut de ses 6 ans, Charlie regardait son père avec un regard admiratif, elle le considérait comme un héros. Quelques mois après l’arrivée dans sa vie, du nourrisson, le jeune père avait décidé de changer de vie pour tenter de subvenir au mieux à leurs besoins. Il avait alors réussi à monter un pub populaire, donnant à sa fille une vie moins bancale et entourée continuellement. La petite Charlie toujours assise près de son père observait sans relâche les habitués du café, elles les connaissaient par coeur. De longues conversations étaient échangées chaque jour, elle avait fait de ce café une seconde maison et de ses habitants une seconde famille. Elle s’endormait chaque soir dans la chaleur du lieu, sur le même lit  derrière le comptoir et se réveillait chaque matin aux côtés de son père dans leur petit appartement de bonne.
« On y va ? »
La voix tremblante, Dave prend doucement la main de sa fille. Ils avaient sous leurs yeux, une lettre, simplement posée devant leurs jambes en tailleurs. Toujours une lettre, elles se ressemblaient toutes, mais le père tout comme sa fille, savait plus que jamais, que ce genre de lettres banales avait déjà plus d’une fois scellé leur vie. Et ils y étaient de nouveau. Charlie avait désormais seize ans, et dans sa relation toujours plus passionnelle avec son père, avait enfin décidé d’entendre l’histoire qui l’avait terrifié plus jeune. Et d’une voix commune avaient décidé de faire le test auquel le jeune père avait renoncé des années plus tôt. Le papier se déchirait sous leurs yeux, brisant le silence envahissant. D’un geste brusque, Charlie fit sortir de son cocon blanc, la page tant attendue. Sans y jeter un coup d’oeil, elle la tendit à son père. Dans un ton détaché, David lut la lettre, avant même d’avoir le temps de finir, Charlie s’était jeté à son cou. Des larmes des émotions qu’ils avaient tous deux contenues toute la soirée glissées le long de leurs joues. Ils étaient restés longtemps, enlacés. Parfois, le calme était brisé par des promesses, des promesses qu’ils n’oublieraient en aucun cas.
«  Tu es la personne qui compte et comptera toujours le plus dans mon coeur. Et tu le sais très bien que même si ce test avait été négatif cela n'aurait rien changé ! ».
Alors que ses doigts s’agitaient sur le manche de sa vieille guitare, la voix de Charlie tentait de les accompagner au mieux, elle aimait entendre la voix de son père siffloter avec elle. Le café avait fermé depuis quelques heures déjà, les dernières âmes solitaires avaient fini par sortir laissant Charlie et son père seul. Voir les progrès de sa fille à la guitare l’émouvait toujours, dès qu’elle en avait eu l’âge, il avait consacré leurs heures libres communes à lui enseigner l’instrument qu’il avait longtemps pratiqué. Il abandonna quelques minutes son nettoyage pour empoigner lui aussi une guitare et entamer un moment de complicité commun. Et comme lors de multiples soirées, le bruit des cordes grattées s’élevait dans la salle closant harmonieusement de longues journées.

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